Le 9 juillet 2024 dernier, sur recours de Nature Environnement 17 (NE17), le Tribunal administratif de Poitiers a annulé la deuxième autorisation unique de prélèvement (AUP) d’eau pour l’irrigation agricole sur le territoire de l’Établissement Public du Marais Poitevin (EPMP) en raison de volumes d’eau autorisés excessifs. Pour l’historique : https://www.ne17.fr/nouvelle-annulation-de-lautorisation-de-prelevements-deau-pour-lirrigation-dans-le-marais-poitevin-les-prefectures-defaillantes-dans-le-respect-de-la-loi-et-de-la-science-2/
Actant l’inaptitude de l’Etat à gérer correctement la ressource en eau, la juridiction a délivré elle-même une AUP en imposant des volumes conformes au code de l’environnement, sur la base des données scientifiques disponibles à ce jour (de nouvelles études sont en cours).
A ce jour, l’EPMP et les Préfectures tardent à exécuter ce jugement, malgré une astreinte financière. L’EPMP a ainsi été condamné à verser la somme de 6100€ à NE17 le 8 octobre 2024 pour ne pas avoir procédé à la répartition du volume fixé par le juge lors de l’irrigation estivale. Le 10 décembre 2024, l’établissement public a de nouveau été condamné par le Tribunal à verser la somme de 25 500€ à NE17 pour sa persistance dans la non-exécution du jugement.
Sans exécution, le Tribunal a rappelé que l’irrigation sur le périmètre de l’AUP se poursuit sans aucune base légale. Ainsi, à ce jour, le remplissage des réserves de substitution est illégal. Ceci concerne par exemple les réserves de Vendée ou encore celles de Sainte-Soline, de Mauzé-sur-le-Mignon et d’Epannes dans les Deux-Sèvres.
Une fois encore, les intérêts économiques d’une petite minorité passent avant l’Etat de droit et avant la protection de l’environnement.
Alors qu’il ne respecte pas la décision de justice, l’Etat a entamé une procédure particulière en appel visant à suspendre l’exécution de cette décision. L’Etat sollicite donc l’inexécution d’un jugement qu’il n’exécute pas.
Pourquoi une telle opposition ? Parce que ce jugement met à mal toute la stratégie de gestion de l’eau fondée sur les méga-bassines.
Pour prendre l’exemple des 16 méga-bassines en projet sur la Sèvre Niortaise, appliquer le volume défini par le Tribunal reviendrait à exposer au grand jour que la quantité d’eau disponible ne permettrait que de remplir ces 16 ouvrages. Il ne resterait alors plus rien aux autres irrigants qui ne seront jamais reliés aux réserves. L’accaparement de l’eau par une minorité d’agriculteurs au détriment du reste de la profession ne pourrait plus être nié.
Les raisons ? Pas le jugement en lui-même qui ne fait qu’autoriser un volume cohérent par rapport à la réalité de la ressource en eau disponible à ce jour mais à cause d’un projet de méga-bassines surdimensionné qui a été calculé en oubliant les irrigants qui ne seront pas reliés, de l’ancienneté des données utilisées (2000-2011) et de la non prise en compte des effets du changement climatique.
Ainsi, alors que l’irrigation ne concerne déjà qu’un pourcentage minime des agriculteurs (entre 6 et 8% de la surface agricole utile est irriguée, la majorité des agriculteurs étant tributaire de la pluie), la construction des réserves va conduire à ce que l’eau des nappes soit accaparée par une partie de cette minorité, protégée, privilégiée et largement subventionnée, le tout alors que chaque irrigant devra encore financer les réserves pour les autres.
Pour ne pas exposer cette situation, l’Etat et l’EPMP préfèrent ne pas appliquer le jugement. Dans l’attente, ce sont les milieux et la zone humide du Marais Poitevin qui en subissent les effets.