Pesticides : plus que 12 jours pour donner un avis sur les distances de sécurité

 

En pleine période estivale et malgré les départs en vacances, le public ne dispose plus que de 12 jours pour se prononcer sur le projet de « Charte d’engagement des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques de la Charente-Maritime ».

Depuis la décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2021 initiée par des associations environnementales, solliciter l’avis des riverains sur ces projets de Charte est pourtant une obligation.

Une règlementation lacunaire

En raison des risques sanitaires et environnementaux, depuis 2009, l’Union Européenne pousse la France à encadrer l’utilisation des pesticides. Le législateur français y semble pourtant réticent.

Ainsi, s’il existe aujourd’hui des limites maximales de résidus de pesticides dans les denrées alimentaires ou dans l’eau potable, aucune réglementation ne concerne les concentrations de pesticides dans l’air.

La loi Egalim du 30 octobre 2018 a toutefois imposé l’adoption de « mesures de protection » des personnes situées à proximité des zones traitées auxquelles s’engageraient les utilisateurs des pesticides. Ces mesures doivent être formalisées dans une « Charte d’engagements à l’échelle départementale » dite « Charte riverains ».

Une concertation du public entravée

Alors que l’adoption d’une « Charte riverains » était obligatoire au 1er janvier 2020, celle prévue en Charente Maritime est toujours en cours d’élaboration.

Or, rédigé par la Chambre d’agriculture, le projet de Charte ne contient aucune mesure réelle de protection. Il s’agit en réalité de déroger à la règlementation déjà largement insuffisante pour la protection des riverains.

L’objectif est en effet de réduire les distances légales minimales de traitement par rapport aux propriétés riveraines. Cet aspect n’est jamais clairement indiqué dans le projet de Charte. L’approbation de ce document engendrerait par conséquent une exposition plus forte de la population aux pesticides.

Le projet sous-entend par ailleurs une collaboration avec Nature Environnement 17. Si nous avons bien été invités à participer à une réunion le 4 mai 2020, en raison de désaccords sur les objectifs de cette Charte, l’association a répondu qu’elle n’y participerait pas.

De plus, malgré les risques environnementaux et sanitaires et malgré la très forte utilisation de pesticides dans notre département, tout semble fait pour que le public ne donne pas son avis sur la Charte.

La Préfecture n’a laissé que 21 jours au public pour donner son avis par voie électronique sur le projet de Charte, du 11 juillet au 1er août, c’est à dire en pleine période estivale.

La diffusion de cette consultation est en outre très insuffisante. L’information de sa mise en ligne a été relayée pour l’essentiel par les organismes agricoles. Aucune mention n’a été prévue dans la presse locale contrairement aux exigences constitutionnelles. L’essentiel des réponses proviendra donc de la profession agricole.

Une telle pratique nuit à l’effectivité de l’article 7 de la Charte de l’environnement consacrant les principes d’accès aux informations relatives à l’environnement et de participation à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

Pourtant, la campagne 2021 d’Atmo Nouvelle-Aquitaine confirme la forte concentration de pesticides dans l’air dans la région. Pour la Plainte d’Aunis, à l’est de La Rochelle, des pics d’herbicides ont même été atteints au cœur des périodes de traitement de l’automne et de l’hiver. Du prosulfocarbe, herbicide, a été mesuré à des niveaux encore jamais observés en France.

Nature Environnement 17 appelle les habitants du département à participer à la consultation mise en ligne sur le site internet de la Préfecture.

Parmi les éléments pouvant être invoqués, peuvent être cités :

  • Le retrait des pesticides dangereux pour la santé humaine, les milieux naturels et la biodiversité ;
  • Une augmentation, à un minimum de 150m, des distances de sécurité entre les zones traitées et les bâtiments habités, celles présentées, en dessous des minimums légaux, étant très insuffisantes ;
  • La nécessité d’un accès du public en temps réel aux informations portant sur les quantités de pesticides utilisées, les parcelles agricoles, la nature et le nom des produits ainsi que leur dangerosité et les distances aux limites de parcelles autorisées ;
  • La mise en place d’un système d’information préalable obligatoire des riverains avec les dates exactes d’épandage, un délai de prévenance de plusieurs jours, un affichage visible sur les parcelles concernées et un système d’information efficient (sms, courriel, information papier) afin que les concernés puissent se protéger ;

Pour Patrick Picaud, Vice-Président de NE17, « il est nécessaire que les premiers concernés puissent donner leur avis sur des produits nocifs auxquels ils sont exposés chaque jour dans leur assiette, leur verre mais aussi dans l’air qu’ils respirent. Les liens entre les pesticides et certaines maladies, comme la leucémie, ont été faits. L’impact des pesticides sur la biodiversité est également incontestable. ».

Il est inacceptable que l’Etat se désengage de ses responsabilités en matière de santé publique à travers l’adoption d’une Charte non contraignante, insuffisante et rédigée par la Chambre de l’agriculture elle-même.

Pour cette raison, Nature Environnement 17 maintient son positionnement contre l’adoption des Chartes riverains et demande que le sujet des pesticides fasse l’objet d’un vrai débat national