Une gestion de l’eau pour 2023 au péril de la biodiversité

La France est actuellement en pleine sécheresse hivernale. La recharge des nappes souterraines est tardive et très insuffisante. Alors que le risque d’une nouvelle sécheresse estivale se concrétise, les demandes d’anticipation de Nature Environnement 17 restent sans réponse.

Le 20 février 2023, une réunion du Comité Quantitatif de l’Eau a été organisée à la Préfecture de Charente-Maritime afin d’établir un retour d’expérience sur la gestion de la ressource en eau en 2022. Les craintes des associations de protection de la nature n’ont pas été entendues.

Sur la sécheresse de 2022 :

Il ressort de cette réunion qu’en 2022, les autorisations pour l’irrigation ont permis de prélever 39 Millions de m3 soit un volume légèrement supérieur à celui de 2021 de 38 Mm3. La quantité est surprenante au regard de la sécheresse de l’été 2022 au cours de laquelle l’irrigation a été restreinte puis interdite.

Il est à noter qu’un groupe d’irrigants, dont des Présidents de syndicats d’irrigants, est poursuivi pour ne pas avoir respecté les interdictions d’irrigation. Des audiences au Tribunal judiciaire de La Rochelle sont prévues.

Du reste, les conséquences pour les milieux aquatiques ont été désastreuses : 840 km de cours d’eau en assec ou en rupture d’écoulement sur les 1 414 km suivis par la Fédération départementale de la pêche, 51 % du réseau observé à sec, forte mortalité de la faune piscicole. L’approvisionnement en eau potable a lui aussi été complexe.

L’immobilisme de 2023 :

Fin-février 2023, la pluviométrie est déficitaire, les nappes sont déjà en difficulté et les sols sont plus secs que la normale. Les prévisions de Météo-France ne sont pas optimistes (mars/avril/mai plus chauds que la normale et pas de scénario prédominant pour les pluies).

Des mesures de gestion de l’eau efficaces permettraient d’anticiper les manques à venir et de conserver un maximum de la ressource dans les nappes et dans les cours d’eau afin d’alimenter les milieux naturels et de sécuriser l’approvisionnement en eau potable.

L’autorité préfectorale dispose de plusieurs leviers : diminuer les volumes d’eau accordés aux irrigants (entre 70% et 80% de l’eau utilisée l’été alors que les surfaces irriguées ne représentent que 8% de la surface agricole utile) ou encore relever les seuils d’alerte afin de restreindre plus rapidement l’utilisation de l’eau.

Pourtant, aucune de ces solutions n’a été envisagée lors du Comité Quantitatif de l’Eau. Les volumes d’eau accordés pour l’irrigation sont identiques et les seuils seront les mêmes qu’en 2022 avec, donc, les mêmes conséquences en cas de fortes chaleurs.

Pire, par souci « d’harmonisation » entre les bassins du département, il sera possible d’irriguer deux semaines plus tôt que l’année 2022.

En l’absence de mesure de gestion de l’eau, tout repose donc sur la météo et sur l’espoir d’un printemps pluvieux.

Aucun moyen financier n’est accordé afin d’accélérer les études sur les volumes prélevables (volume global que le milieu est capable de fournir tout en garantissant le bon fonctionnement des milieux aquatiques). Cette étude est pourtant indispensable avant d’accorder des volumes, sans fondement scientifique, à l’irrigation agricole

Le déficit en eau se reporte d’une année sur l’autre, dans un cycle sans fin, et conduit à des  sécheresses en série, entraînant un déclin de la biodiversité. Les effets du changement climatique sont ignorés alors qu’une gestion de l’eau efficace permettrait d’en atténuer les conséquences.

Nature Environnement 17 dénonce cette gestion défaillante de la ressource en eau qui autorise des prélèvements dans les nappes phréatiques bien trop importants, pour une minorité et au-delà des capacités des milieux. Si tous les usages doivent diminuer, les parts de responsabilités sont hétérogènes.

La gestion de l’eau pour l’année 2023 demeurera donc guidée par les intérêts financiers d’une minorité d’irrigants pour des cultures inadaptées comme le maïs grain (60% de la surface irriguée du territoire de gestion de la chambre régionale d’agriculture), au détriment du reste de la population et des milieux naturels.