Le projet de création de 5 réserves de substitution pour l’irrigation par l’ASAI des Roches, sur le territoire des communes de Cram-Chaban, La Laigne et La Grève sur Le Mignon, est à nouveau soumis enquête publique (jusqu’au 6 novembre 2014).
Vous trouverez à la suite les éléments de la déposition de Nature Environnement 17, que vous pouvez utiliser pour alimenter votre propre déposition.
Les dépositions sont à adresser au Commissaire Enquêteur en mairie de Cramchaban (Place de la Mairie – 17170 Cramchaban) avant le 6 novembre.
Nous mettons par ailleurs deux documents à votre disposition :
– Les RS une bonne ou une mauvaise solution ?
– La position du collectif CARG’eau sur le sujet
Déposition de Nature Environnement 17 s’agissant du projet de création de 5 réserves de substitution par l’ASAI des Roches :
S’agissant du fond du dossier présenté à l’enquête publique :
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A titre liminaire, il est prévu et plusieurs fois énoncées que les réserves de substitution seraient alimentées par le trop-plein de la nappe. Il faut donc rappeler que le soit-disant « trop-plein » de la nappe sert à alimenter plusieurs cours d’eau de la zone du marais poitevin. C’est là le fonctionnement normal de cet écosystème exceptionnel formant une zone humide d’intérêt international. Sans eau qui déborde de la nappe il n’y a pas d’eau dans les cours d’eau. Cette eau a ainsi vocation à couler et rejoindre la mer, cela ne veut pas dire qu’elle est perdue si elle n’est pas captée par les irrigants. Au contraire, la richesse du Marais Poitevin se base sur la présence d’eau dans les milieux et les cours d’eau, et le fait qu’ils débordent en hiver, permettant notamment à certaines espèces de frayer…
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De la même manière il est affirmé de manière tout à fait artificielle que les précipitations cumulées sur le bassin versant suffiraient à remplir les réserves. C’est une supercherie intellectuelle de plus, l’eau de pluie qui tombe est soit filtrée à travers les sols avant de rejoindre une masse d’eau souterraine, soit elle rejoint un cours d’eau par ruissellement. Ainsi l’ensemble des précipitations du bassin ne tombent pas directement dans la nappe prête à être pompée par les irrigants.
De fait, la quantité d’eau sur terre est finie, et l’eau utilisée pour l’irrigation (dite « non restituée ») se charge de polluants qui vont contaminer les réserves d’eau potable. L’opération est donc loin d’être neutre.
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Il est impossible que l’agriculture s’affranchisse totalement des conditions climatiques. Le modèle proposé par les pétitionnaires n’a rien de durable. Ils se basent sur le fait qu’ils assèchent la nappe et les cours d’eau en été pour réclamer des prérogatives exorbitantes sur une ressource qui fait partie « du patrimoine commun de la nation » d’après la loi.
En effet, le dossier rappelle bien qu’avant l’irrigation intensive, les cours d’eau du secteur considéré ne s’asséchaient pas en été…
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Ainsi, si tous les agriculteurs avaient les mêmes prétentions que les pétitionnaires, il n’y aurait pas assez d’eau dans le milieu pour satisfaire leurs demandes et pas assez d’argent public pour les financer. Le projet concerne seulement 12 agriculteurs, et 850 hectares de terres cultivées, pour un coût total évalué à 6 085 millions d’euros hors taxe, dont 70% d’argent public (taxes sur l’eau potable notamment). En ces temps de crise, la rigueur n’est visiblement pas appliquée aux grands irrigants.
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De plus, les agriculteurs membres de l’ASAI des Roches n’ont nullement besoin de ces réserves pour assurer la viabilité économique de leur entreprise. En effet, ils sont déjà largement subventionnés par l’Union Européenne, ainsi les diverses exploitations regroupées par les pétitionnaires ont touché plus de 468 000€ d’argent public rien que pour semer leurs cultures l’année dernière, et ces aides sont renouvelées tous les ans! (source : données PAC – Tableau récapitulatif)
C’est un non-sens de financer des ouvrages aussi coûteux qui vont seulement permettre d’accroître un peu les rendements à l’hectare alors que de nombreux agriculteurs peinent à vivre.
Au final, l’eau stockée dans les réserves revient à 4,24€ hors taxe le m3 ! Dont seulement 1,27€ payé par les agriculteurs… c’est plus cher que l’eau potable acheminée jusqu’au domiciles des citoyens (3,7 € TTC /m3 à La Rochelle en 2011).
Favoriser ceux qui n’en ont pas besoin est un manque flagrant d’équité face au monde agricole.
La philosophie de ce projet est donc pollueur-payé et pollué-payeur !
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Par ailleurs le fait qu’une partie des prélèvements soit reportée en hiver n’améliorera pas la situation des cours d’eau en été. En effet, les agriculteurs du bassin ne parviennent jamais à prélever l’intégralité des volumes qu’ils sont autorisés à prendre dans le milieu car la nappe se tarit avant. Des arrêtés préfectoraux viennent alors interdire les prélèvements. Or les 12 agriculteurs pétitionnaires ne sont pas les seuls à prélever sur ce secteur en été. Ainsi le report de leurs volumes permettra aux autres agriculteurs de prélever plus en été, et ce jusqu’à l’atterrissement des cours d’eau et de la nappe, qui interviendra de toute façon avant la fin de la saison d’irrigation. Le déséquilibre est structurel. La situation ne s’améliora donc pas. Voilà encore une des motivations de ce projet qui ne tient pas l’analyse.
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Les retenues de substitution des pétitionnaires sont déjà en fonctionnement depuis 2011, en toute illégalité, puisque ne bénéficiant d’aucune autorisation pour ce faire. L’ASAI des Roches a d’ailleurs été condamnée par la justice pour avoir utilisé l’eau de ces réserves en 2011. Le dossier omet de le préciser alors que c’est un élément important. En effet, depuis 2011 aucune amélioration des milieux n’a été constatée suite à cette mise en fonctionnement et des arrêtés de limitation des prélèvements sont toujours pris sur le secteur chaque année pour protéger la ressource en eau.
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Le problème technique de l’emplacement des réserves avec un fond de réserve plus bas que le niveau de la nappe phréatique et nécessitant des volumes de rééquilibrage est incompréhensible. En effet, face à cette contrainte, il est proposé d’autoriser les irrigants à effectuer des prélèvements anticipés. Or la date de début de remplissage fixée dans l’étude du BRGM correspond au moment où l’on peut commencer à pomper sans préjudice pour les milieux aquatiques. L’idée même de prélèvement anticipé est incompatible avec le but de la manœuvre. Les réserves ne peuvent donc fonctionner comme il le faudrait. Surtout, la logique voudrait que ces volumes d’équilibrage restent dans la réserve, plutôt que d’être prélevés et utilisés chaque année. Cela éviterait en effet le problème de la remontée de la nappe et les prélèvements anticipés néfastes pour les milieux…
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Le piézomètre de référence pour l’état des milieux est situé en dehors de la zone d’étude de l’étude d’incidences sur les milieux aquatiques. Une référence aussi éloignée n’est pas pertinente. Il y a des cours d’eau situés à proximité des réserves et dont le niveau, d’après l’étude fournie, est directement lié au niveau de la nappe, ce sont ces cours d’eau qu’il faut prendre comme référence pour autoriser ou non le remplissage des réserves.
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Par ailleurs, un financement public induit un contrôle de l’autorité publique sur ces ouvrages. Les prélèvements effectués sont colossaux, et il faut que le début et l’arrêt du remplissage soient automatisés en fonction de la hauteur de la nappe et du cours d’eau, c’est la seule manière de s’assurer qu’il n’y aura pas de fraude. En effet, ces réserves sont exploitées irrégulièrement depuis 3 ans, ce qui prouve qu’on ne peut faire confiance au pétitionnaire. Le dossier prévoit un remplissage automatisé en fonction du niveau de la réserve… ce qui est totalement incohérent. En effet, si le but est de protéger les milieux, alors la référence de démarrage des prélèvements doit être dans les milieux et non dans les ouvrages….
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Les modalités de prélèvements proposées dans le dossier ne sont pas satisfaisantes, il est prévu de stopper le remplissage 5 jours après le passage de la nappe sous la cote de référence. C’est proprement absurde car si une cote de référence est fixée comme seuil pour démarrer ou stopper les prélèvements, alors les prélèvements doivent cesser dès le passage de la nappe sous cette cote et non 5 jours après…
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Le dossier parle d’un suivi des cours d’eau du Crépé et de la Courance après quelques années de fonctionnement des ouvrages, sur la base des constats effectués. Or, comme il a déjà été dit, ces réserves fonctionnent déjà et les échelles limnimétriques ont déjà été posées dans ces cours d’eau, dont l’administration possède les relevés. Les enjeux en présence imposent de prendre en compte ces mesures.
De plus, des piézomètres ont du être installés au droit de chaque réserve, comme imposé par l’arrêté préfectoral de mise en demeure du 20 janvier 2010, il y a donc des éléments de la connaissance des milieux qui ont été évincés de l’étude, ce qui n’est pas acceptable.
Nous nous devons de dénoncer l’hypocrisie du pétitionnaire face aux faits, connus de tous, d’exploitation irrégulière des réserves.
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Par ailleurs, il est prévu dans le dossier un suivi du niveau piézomètrique de la nappe toutes les semaines. Il faut que ce suivi soit effectué tous les jours en période de remplissage, et surtout, encore une fois que le niveau de la nappe et des cours d’eau commande à la possibilité de remplir les réserves.
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Au final, les prélèvements ne devraient pas être effectués dans la nappe mais dans les ruisseaux, en fonction de leur niveau, et quand leur débit permet ces prélèvements tout en assurant la protection et la vie des milieux aquatiques, en application de la loi sur l’eau.
S’agissant du contenu du dossier présenté à l’enquête publique :
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L’étude du BRGM datée de 2013 mentionnée plusieurs fois dans le dossier est absente des pièces.
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L’étude faune-flore présentée dans le dossier de demande d’autorisation ne fait pas référence aux objectifs de conservation du site N2000, ce qui est relevé par l’autorité environnementale dans son avis, c’est une insuffisance qui doit être mentionnée.
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Par ailleurs il n’y a aucune étude sur l’impact des prélèvements hivernaux sur le fonctionnement des zones humides situées dans la zone d’étude. C’est pourtant l’un des enjeux principaux dans ce dossier.
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L’autorité environnementale relève également que l’étude d’impact ne fait aucune analyse de la maîtrise des apports d’intrants chimiques sur les parcelles irriguées.
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Les éléments contenus p210bis de l’étude d’impact ne s’apparentent pas à une véritable analyse des impacts cumulés du projet avec les autres projets sur la zone d’étude et sont par là-même insuffisants.
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L’analyse de l’impact des ouvrages sur le Crépé et la Courance sont largement insuffisants, tout comme la description de l’état initial de ces cours d’eau.
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La définition des volumes prélevables à 80% des volumes précédemment consommés n’est pas étayée par les données des volumes effectivement consommés depuis 2000 et jusqu’en 2013.
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Il n’est fait nulle mention dans le dossier de l’adhésion du pétitionnaire, l’ASAI des Roches, au syndicat mixte du département, ce qui est obligatoire.
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Il manque les éléments relatifs aux volumes prélevables sur le bassin et les volumes prélevés par les autres agriculteurs sur le secteur.
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Les impacts sur les cours d’eau sont fait par extrapolation de moyennes de débit d’un autre cours d’eau… cela n’est pas fiable et par ailleurs, le dossier étant en cours depuis 2007, il y aurait eu largement le temps de faire les études réelles nécessaires pour un projet de cette ampleur. Encore une fois les assertions du dossier ne sont pas étayées.
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D’après l’administration, le remplissage de la R6 se fait à partir d’un forage « temporaire » ? il serait intéressant d’avoir des précisions sur ce forage, son autorisation…
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Enfin nous tenons à rappeler que l’impact positif des réserves de substitution est un leurre. Pourquoi ne pas mentionner dans le dossier les effets des réserves déjà en fonctionnement sur le département ? Parce que les résultats sont désastreux. A Siecq, une réserve a été construite pour éviter, soi-disant, l’assèchement de la Rouzille, or la Rouzille est toujours à sec en été.
Idem dans le bassin Aume-Couture, les réserves de substitution créées n’apportent aucune amélioration pour les milieux aquatiques…
Pour toutes ces raisons, Nature Environnement 17 émet un avis défavorable au projet soumis à enquête publique.
Crédit photo : P. PICAUD