Le Tribunal judiciaire de Brest a déclaré la SASU TIMAC AGRO, géant de l’industrie des engrais, responsable du préjudice moral subi par les associations France Nature Environnement et Nature Environnement 17.
Exploitante de deux unités de fabrication d’engrais à Saint-Malo et à Tonnay-Charente, la SASU TIMAC AGRO, multinationale du groupe Roullier (4,1 milliards de chiffre d’affaire en 2023), a enfreint la réglementation environnementale à de multiples reprises notamment sur les valeurs maximales d’émissions atmosphériques autorisées de certains polluants (ammoniac, acide chlorhydrique, permanganate de potassium).
Sur le site de Tonnay-Charente, de 2010 à 2019, de nombreuses autres non-conformités ont été relevées comme un stockage extérieur de produit dangereux (potasse) malgré les risques d’envol de poussières ou encore des rejets aqueux présentant des dépassements récurrents de matières en suspension, d’azote et de phosphore. Un contrôle des eaux de ruissellement en 2017 a ainsi relevé des concentrations en azote supérieures à 200 fois la norme autorisée.
Les mises en demeure successives n’ont pas mis fin à ces pratiques. En persistant dans ses activités malgré ces mises en demeures répétées, l’agro-industriel a délibérément mis en danger la santé des habitant·es, de ses salarié.es et des milieux naturels.
Pour ces raisons, et en l’absence de véritable sanction, nos associations agréées pour la protection de l’environnement ont saisi la justice de deux recours distincts, un pour chaque site.
Pour le site de Tonnay-Charente, le 22 février 2024, le Tribunal judiciaire de Brest a relevé que « les manquements de la S.A.S.U. TIMAC AGRO ont entraîné une pollution de l’air au sens de l’article L. 220-2 du Code de l’environnement […] du fait d’une part de l’envol de poussières dû au stockage en extérieur de plusieurs milliers de tonnes de potasses (rapport de l’inspection des installations classées du 25 octobre 2017), et d’autre part du fait du non-respect des valeurs limites et de la vitesse d’éjection s’agissant de plusieurs paramètres chimiques. » et que « les activités de la S.A.S.U. TIMAC AGRO ont entraîné des rejets de matières en suspension, Azote et Phosphore dans les eaux de la Charente, dans des quantités supérieures aux limites acceptées ».
En raison de l’ampleur de ces manquements et de leur persistance dans la durée, le Tribunal a caractérisé un préjudice important des associations et a condamné TIMAC AGRO à verser à Nature Environnement 17 et à France Nature Environnement la somme de 20 000€ chacune en indemnisation de l’atteinte portée aux intérêts défendus par nos associations.
Le second jugement concernant l’unité à St-Malo a lui aussi reconnu TIMAC AGRO responsable d’une pollution de l’air et a indemnisé Bretagne Vivante, Eau et Rivières de Bretagne et France Nature Environnement à hauteur de 25 000€ chacune. En tout, la société a été condamnée à verser aux différentes associations la somme de 115 000 euros.
En Charente-Maritime, cette condamnation pour pollutions atmosphérique et aquatique intervient dans un contexte sensible où une récente étude a mis en évidence une autre pollution : celle des sols alentours (au plomb, au cadmium et au mercure). Il est conseillé aux habitant·es de bien se laver les mains et de ne pas manger leurs fruits et légumes. En réponse à ces pollutions multiples depuis des années, les riverains de l’usine vont enfin être testés par l’Agence Régionale de Santé (ARS).
Malgré tout et alors que le site est à l’arrêt pour, selon l’industriel, raisons économiques, TIMAC AGRO vient encore d’être mis en demeure cette fois ci pour non-respect des normes incendie.
Nous saluons une décision qui doit mettre fin à l’impunité des pollueurs industriels, en lien avec le récent rapport de la Cour des comptes qui recommande de mieux étudier l’impact sanitaire des pollutions chroniques.
Liens des jugements :
- Site de Tonnay-Charente
- Site de St-Malo