LA CHARENTE-MARITIME CHAMPIONNE REGIONALE DE L’USAGE DES PESTICIDES

Article sur la situation départementale au plan de l’usage des pesticides 

Les données chiffrées et les informations sur les substances citées sont le fruit du travail de recherche mené par Jean-Marie BOURRY que je remercie ici.

 

Plan Eco-Phyto de 2008, signaux d’alarme du monde scientifique et des associations, campagnes d’information, promesses gouvernementales, mais aussi réactions des tenants de l’agriculture intensive nous assurant d’un usage raisonné et maîtrisé des quantités de produits – les pesticides sont-ils sur le déclin ? Qu’en est-il exactement de la situation sur notre département de Charente-Maritime, terre de viticulture et productrice de céréales ? Les pratiques sont-elles en train de changer dans le monde agricole et chez les particuliers que nous sommes ?

NE17, mais aussi d’autres associations de protection de l’environnement de Charente-Maritime, comme SOS Rivières, pour n’en citer qu’une – se penchent depuis longtemps sur les effets des pesticides dans l’atmosphère, dans les eaux de surface et souterraines, mais aussi sur la santé publique. Cependant, jusqu’à présent, il était difficile par manque de données disponibles et surtout du fait de l’omerta régnant sur le sujet, de chiffrer les volumes de produits phytosanitaires utilisés tant par les professionnels de l’agriculture, que par les collectivités locales, les industriels, ou encore par les particuliers, pour ne citer que ces catégories.

Il aura fallu attendre l’année 2018 pour que soit mis à disposition du public, par le BNV-d (1), les chiffres des ventes de produits phytosanitaires par département. Mais ce lourd fichier ne faisait pas apparaître les achats de substances pesticides pour utilisation locale.

En Juin 2018, le Ministère de l’Ecologie publie enfin les listes d’achats de pesticides par secteur de code postal, listes qui seront très vite retirées sous la pression des lobbies de l’agrochimie.

Cependant, ces listes sont à présent consultables sur le site de « Eau de France .» (2)

 

Ainsi la publication de 2018 fait apparaître la situation des achats et des ventes en Charente – Maritime pour les années 2016/2017 :

ACHATS VENTES
2016 1489 1405
+ soufre 200 146
2017 1487 1331
+ soufre 214 146
Les chiffres sont en tonnes

Les totaux en caractères gras sont indiqués déduction faite des tonnages de soufre qui lui est autorisé en agriculture biologique. Il est aussi à noter que lesdits totaux ne représentent que les substances actives contenues dans les pesticides objets de ces achats /ventes. (300 types de pesticides différents utilisés en Charente-Maritime)

 

A la lecture de ces chiffres, il est facile de constater que l’utilisation des pesticides n’a pas baissée en 2017 en Charente-Maritime, ce qui fait de notre département le 8ème en France pour les achats de phytosanitaires.

Le différentiel entre achats et ventes s’explique par le fait que certains viticulteurs, arboriculteurs ou maraîchers achètent leurs produits fongicides en dehors de notre département.

 

S’agissant des quantités, on constate aussi que les fongicides les plus vendus sont le Folpel, le Fosetyl aluminium et le Mancobèze.

Ces 3 substances qualifiées par les milieux scientifiques de perturbateurs endocriniens notoires, de cancérogènes probables, sont absolument sous évalués par les agences de santé et les services de l’État. Ces fongicides représentent un total de ventes de 191 tonnes pour 2017 en Charente-Maritime alors que les achats des résidents s’élèvent à 343 tonnes pour la même année (un différentiel de 152 T !)

 

Un autre pesticide connu, comme le glyphosate, représente à lui seul 239 KG d’achats pour le simple secteur de La Rochelle tous publics confondus en 2016,  alors que cette substance cumule à elle seule différents types de toxicité, en plus de celles citées plus haut, comme les effets mutagènes ou reprotoxiques. Une lueur d’espoir cependant, représentée par la décision de l’ANSES de retirer en 2020 trente six produits de base du glyphosate, ce qui représente les 3/4 des tonnages  de produits utilisés en 2018. Et puis nous avons l’opération organisée par Nature Environnement 17 dite des « Pisseurs de Glyphosate » qui a eu le mérite d’alerter le public sur les impacts de ce pesticide sur la santé publique.

 

D’autres fongicides comme les SDHI ont pour effet d’annihiler la respiration cellulaire et ne font l’objet d’aucune mention des services de santé.

 

Même si de nombreuses substances sont aujourd’hui interdites en agriculture, comme l’Athrazine ou le Lindal par exemple, on en retrouve encore des traces significatives et présentant des risques sanitaires, dans  les eaux superficielles et souterraines de notre département. A cet égard, en 2017, huit  communes limitrophes de Jonzac ont fait l’objet, sur demande de l’ARS, d’un arrêté préfectoral autorisant dérogation à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine pour une période de 3 ans, le temps de construire un centre de traitement des eaux approprié, ce du fait de la présence d’athrazine à des taux limites des valeurs seuil, cela sans solution transitoire. Notons que ce pesticide est interdit depuis plus de 15 ans mais que ses effets sont toujours actifs dans les sols et les eaux.

 

Les secteurs gros utilisateurs de pesticides dans le département (selon les listings achats/ventes – en tonnages décroissants)

 

– Le secteur d’ARCHIAC : secteur dédié à la viticulture, avec une consommation de 125 tonnes de substance fongicide (Folpel – Fosetyl Aluminium – mancobèze)

 

– Le Secteur de Jonzac, zone viticole importante elle aussi avec 108 T d’achats de pesticides pour 2017

 

Viennent ensuite les secteurs de PONS (128 T), BURIE (107 T), MATHA (104 T)

 

– Secteur de LA ROCHELLE : Les listings « Achats » de substances pesticides sur La Rochelle font état de l’utilisation de  103 substances répertoriées pour un total de plus de 9 tonnes sur l’année 2016.

Parmi ces substances celles suscitant les plus gros achats sont au nombre de 3 : le glyphosate avec 239kg, le Phosphure d’Aluminium avec 4105,28 kg et le Pyrimiphos Metyl avec 3700 Kg , soit, au total, plus de 7 tonnes simplement pour ces 2 produits (le dernier chiffre pour 2017 était de 5,7 tonnes dû à une baisse du trafic portuaire en céréales sur La Rochelle).

 

Les achats de ces deux dernières substances sont centrés sur le Grand Port Maritime et notamment ses silos céréaliers qui enregistrent les plus gros volumes de substances pesticides, notamment des insecticides utilisés pour les stockages de céréales.

Les population riveraines du Port Atlantique sont en droit de s’inquiéter des effets de ces substances  rejetées dans l’air ambiant par les systèmes de ventilation des unités de silos et à juste titre quand l’ATMO (3) dans son bilan d’analyses de l’air pour 2017 fait état de présence de Pyrimiphos métyl dans l’atmosphère sur le secteur de La Pallice.  A ce jour aucune recherche n’a été effectué pour  évaluer les effets probables de ces toxiques sur la santé des populations des quartiers Ouest.

 

S’agissant de la périphérie de La Rochelle, notamment les secteurs de Puilboreau et St Xandre, zones de polyculture et d’élevage, on note l’utilisation de 142 substances pesticides différentes soit 5793 Kg dont 25 herbicides représentant à eux seuls un total de 3766 Kg. On peut aisément imaginer les effets des pulvérisations répétées de ces pesticides sur les zones urbanisées toutes proches. La encore aucune évaluation des risques potentiels sur la santé des riverains concernés notamment des effets « cocktail » générés par l’accumulation de ces substances.

 

Une campagne de mesure des pesticides sur l’agglomération rochelaise a bien été demandée par la CDA en 2019, mais nous n’avons aucune information sur le types de substances analysée et sur les zones testées.

Un rapport de l’ATMO relatif à ladite campagne de mesures doit être produit au 1er semestre 2020. Nous espérons pouvoir en prendre connaissance.

 

Remarques sur le bilan ATMO 2018 des pesticides en Charente-Maritime

 

Le bilan ATMO 2018 fait état de campagnes de mesure de pesticides dans l’air effectuées sur 7 sites différents répartis sur toute la Nlle Aquitaine. 67 substances pesticides ont été analysées (26 herbicides 24 fongicides et 17 insecticides.) L’ATMO précise, à juste titre que «les fongicides sont les molécules dont les concentrations moyennes sont les plus importantes, notamment sur les sites viticoles… »

Cependant, s’agissant des sites sélectionnés et du nombre de molécules retenues, deux remarques s’imposent :

  • Pourquoi le département de la Charente-Maritime, le plus impacté par les pesticides en volumes de substances (huitième à l’échelle nationale) , n’a-t-il pas été retenu dans cette campagne d’analyses  alors que la majorité des autres départements de la région le sont ?
  • Hormis le Folpel, cité par ATMO lors de sa campagne de mesures, il apparaît que les molécules les plus massivement utilisées par les agriculteurs ne sont pas recherchées, c’est notamment le cas des fongicides. De plus, les molécules recherchées par ATMO sont les  mêmes sur les 7 sites alors qu’il y a diversité, selon les lieux, d’emploi de ces produits . Le secteur de Cognac en Charente, l’un des 7 sites retenus, constitue un exemple parlant du manque de pertinence des choix d’analyse faits par ATMO.

 

En effet sur ledit secteur regroupant 8 communes, 180 substances ont été achetées dont 20 sont supposées cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques pour un total de 30 735 Kgs,  cependant, les mesures d’ATMO portant sur 67 substances, ne concernent en fait que 4869 Kg de produits pesticides. On s’aperçoit que 17 substances testées font l’objet de moins de   20 Kg d’achats et que 14 autres substances sont recherchées mais ne sont pas achetées par les résidents du secteur de Cognac, soit un total de 31 molécules qui s’avèrent peu détectables voire inexistantes.

Les choix d’ATMO sur ce point semblent peu cohérents. Dès lors comment peut on obtenir  une analyse aussi exhaustive que possible de la contamination réelle de l’atmosphère par les pesticides ? Il nous apparaîtrait plus judicieux de choisir les molécules les plus significatives localement sur chaque site choisi et d’ajuster les périodes de prélèvement sur celles des utilisations des pesticides choisis.

 

Nous avons fait part de ces remarques à ATMO lors de son  Conseil d’Administration en Octobre dernier sans obtenir d’explication satisfaisante et nous demanderons à rencontrer à nouveau les représentants d’ATMO afin de demander, en outre, que notre département soit retenu pour la campagne de mesure des pesticides dans l’air de 2020.

D’autre part, et pour ce qui concerne le site agro-industrialo portuaire de La Rochelle et les tonnages importants de substances pesticides utilisés chaque année, il serait fort utile que La pallice, la zone urbanisée la plus rapprochée des ICPE portuaires, devienne un site permanent de mesure des pesticides dans l’atmosphère, comme cela est déjà le cas pour 4 autres villes de la Région Nlle Aquitaine, ce en plus de l’amélioration des capacités de mesure de la qualité de l’air de la station d’Orbigny proche elle aussi du Grand Port de La Rochelle.

 

En conclusion, et à la lecture des chiffres cités plus haut, on ne constate aucune baisse réelle de l’usage des pesticides sur notre département où les améliorations restent à la marge telles que l’arrêt des pulvérisations de pesticides dans les communes du territoire.

S’agissant du changement des pratiques agricoles, notre département se montre encore peu ouvert à l’agriculture biologique qui, avec seulement 3,9 % des terres agricoles, reste bien déficitaire par rapport à la moyenne nationale qui se situe à 7,8 %.

 

Néanmoins on peut saluer le courage des Maires qui ont pris des arrêtés municipaux interdisant les épandages de pesticides à proximité des zones urbanisées. Un juge administratif  a même donné raison à l’un d’entre eux en rejetant la demande d’annulation de son arrêté municipal par le préfet. Souhaitons que cette décision fasse jurisprudence et, qu’un jour prochain, il devienne illégal d’épandre des pesticides à mois de 150 mètres de nos habitations.

 

René BARTHE

NATURE ENVIRONNEMENT 17

 

 

(1) BNV-D : Banque Nationale des ventes de produits phytosanitaires par départementale

(2) Eau de France

(3) ATMO : Observatoire Régional de l’Air en Nouvelle-Aquitaine