IRRIGATION : La justice confirme de nouveau l’illégalité de l’autorisation unique de prélèvement sur le bassin de la Seudre

En 2017, la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine (en tant qu’OUGC) se voit délivrer une autorisation unique pluriannuelle de prélèvements d’eau pour l’irrigation sur le bassin de la Seudre et des Fleuves Côtiers de Gironde. Cette autorisation lui permet alors de bénéficier de volumes à prélever pour une durée de 5 ans, à répartir chaque année entre les irrigants du bassin. Cette autorisation qui « centralise » les demandes doit permettre l’atteinte d’un équilibre entre la ressource en eau et les besoins.

A y regarder de plus près, les volumes alloués s’avèrent en réalité totalement disproportionnés, et dépassent même les volumes consommés par le passé, dans un contexte de déficit hydrologique pourtant avéré.

En effet la demande en eau pour l’irrigation agricole dépasse depuis longtemps les ressources disponibles dans les milieux naturels, créant une situation de déficit chronique particulièrement néfaste pour les milieux aquatiques et mettant en péril l’alimentation en eau potable des populations. Cette trop forte demande en eau participe en outre à l’assèchement des zones humides et entraîne des conséquences désastreuses sur les activités conchylicoles.

Agissant depuis de nombreuses années pour la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques, Nature Environnement 17 et la Fédération de Pêche de la Charente-Maritime décident de contester cette autorisation devant le tribunal administratif de Poitiers.

Nous obtenons gain de cause par un jugement rendu le 4 juillet 2019 : le juge confirme que l’étude d’impact jointe au dossier souffre de graves lacunes et n’analyse pas de manière suffisamment complète les effets des prélèvements autorisés. Mais surtout, le juge retient que l’arrêté litigieux autorise des prélèvements très nettement supérieurs aux années passées. Il ajoute que la stratégie de réduction des prélèvements repose sur la création de réserves de substitution dont la faisabilité n’a pas été étudiée.

L’autorisation est ainsi annulée par le juge, avec effet différé au 1er avril 2021 pour permettre la constitution d’un nouveau dossier. Dans l’intervalle, les prélèvements pour l’irrigation sont plafonnés à la moyenne consommée ces 5 dernières années, permettant de maintenir les possibilités d’irrigation des cultures en attendant la révision des conditions environnementales des prélèvements agricoles.

Malgré cette décision ferme et sans ambiguïté en première instance, la Chambre d’Agriculture (porteuse du projet) et le Ministère de la transition écologique font appel de ce jugement, et demandent en même temps le sursis à exécution de ce dernier.

Après une audience le 10 mars dernier où nous avons de nouveau défendu ce dossier, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a confirmé l’illégalité de l’autorisation litigieuse*, rejetant toutes les requêtes de l’Etat et de la Chambre d’agriculture.

De nouveau et en appel, la justice fait droit aux arguments de nos associations face à ces projets d’irrigation mettant gravement en péril la ressource en eau. Plusieurs autorisations similaires ont été attaquées par nos associations, dont deux déjà annulées en première instance et actuellement en appel, toujours face à l’État et aux porteurs de projets. Nous espérons une issue favorable de ces affaires aux enjeux considérables pour l’atteinte du bon état des milieux naturels.

Contact :

Nature Environnement 17
Jean-Marie Bourry
07 82 16 38 17

Marine Le Feunteun
juridique@ne17.fr

Fédération de Pêche 17
Marie Rouet
rouet.technique17@gmail.com

 

* Arrêt CAA Bordeaux, 19 mai 2020, n°19BX03442-19BX03443-19BX04997