Irrigation : la justice annule les arrêtés

Irrigation : la justice annule les autorisations de prélèvement d’eau délivrées aux irrigants des bassins de la Charente amont et du Marais Poitevin

 

Saisi par cinq associations de protection de l’environnement, le tribunal administratif de Poitiers vient d’annuler les arrêtés autorisant les irrigants des bassins versants du Marais poitevin et de la Charente amont à prélever dans les milieux naturels 140 millions de mètres cubes d’eau[1] chaque année sur 5 ans (Marais poitevin) et 15 ans (Charente amont).

Des prélèvements d’eau incompatibles avec le bon état des milieux naturels

En Poitou Charentes, les bassins versants du Marais Poitevin et de la Charente amont font l’objet de prélèvements d’eau par les agriculteurs irrigants depuis les années 1980 afin de subvenir à la demande des cultures gourmandes en eau en été (maïs principalement).

Dans cette région où l’agriculture intensive domine les paysages, ces prélèvements ont notoirement accru le déficit hydrologique : la demande en eau pour l’irrigation agricole dépasse depuis longtemps les ressources disponibles dans les milieux naturels, créant une situation de déficit chronique particulièrement néfaste pour les milieux aquatiques et mettant en péril l’alimentation en eau potable des populations.

Cette situation, non conforme aux objectifs de la Directive européenne Cadre sur l’Eau, et en particulier au principe de gestion équilibrée de la ressource en eau, a conduit l’Etat à classer ces bassins versants en « zone de répartition des eaux » en 1994 et à mettre en place une gestion collective des prélèvements d’eau par des organismes uniques regroupant les irrigants de ces bassins versants.

Une occasion manquée de restaurer l’équilibre entre besoin et ressource en eau

Avec la mise en place de la gestion collective des prélèvements, il n’est plus possible de délivrer annuellement une multitude d’autorisations temporaires et individuelles aux irrigants comme c’était le cas auparavant. En effet, ce type de gestion, dite conjoncturelle, conduisait chaque année les préfets à prendre tardivement des arrêtés de restriction des prélèvements agricoles, une fois que l’effet de ces derniers s’était déjà fait sentir sur les milieux (rupture d’écoulement d’eau dans les rivières, assecs, mortalité piscicole, etc.).

Ainsi, les préfets de la Charente et de la Charente Maritime devaient mettre en place une gestion dite structurelle, en autorisant de manière permanente des organismes uniques regroupant les irrigants des bassins de la Charente amont et du Marais Poitevin à prélever des volumes d’eau globaux pour l’irrigation qui soient limités et compatibles avec ce que peuvent fournir les milieux naturels.

Le juge administratif sanctionne une mauvaise prise en compte des milieux humides et aquatiques et l’autorisation de niveaux de prélèvements d’eau excessifs

Saisi par plusieurs associations de protection de l’environnement[2] dont la Ligue pour la Protection des Oiseaux, Nature Environnement 17, et Charente-Nature, mais également les Fédérations de pêche de Charente et de Charente-Maritime, le tribunal administratif vient d’annuler, ce 9 mai 2019, les autorisations de prélèvements délivrées à COGEST’EAU et à l’EPMP.

Lors des audiences des 28 mars et 11 avril derniers, le rapporteur public avait proposé au juge de retenir la quasi-totalité des arguments des requérantes pour annuler les arrêtés contestés.

Il estimait en effet ces décisions illégales, non seulement sur la forme, pour insuffisance d’étude d’impact sur l’environnement – les graves lacunes du dossier ayant eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et été de nature à exercer une influence sur la décision des préfets – mais aussi et surtout sur le fond pour non-respect du principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.

Suivant son rapporteur par jugement en date du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers annule les deux arrêtés préfectoraux à compter du 1er avril 2021, ce afin de tenir compte des délais nécessaires à la réalisation d’une nouvelle étude et à l’instruction d’une nouvelle demande d’autorisation. Dans l’intervalle, le tribunal prévoit que les prélèvements autorisés pour l’irrigation seront plafonnés aux volumes effectivement prélevés en moyenne ces dix dernières années.

Par cette décision, la justice vient confirmer la légitimité du combat mené par nos associations depuis de nombreuses années en faveur d’une gestion durable et équilibrée de la ressource en eau.

Nos associations espèrent qu’à l’avenir une réelle concertation pourra se mettre en place en amont de ces décisions, prenant en compte les propositions de tous les acteurs de l’eau.

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Contact :

Vincent Ramard, Ligue pour la Protection des Oiseaux – 05 46 82 12 34

Marine Le Feunteun, Nature Environnement 17 – 05 46 41 39 04

 

[1] Pour 2021, les volumes totaux annuels autorisés initialement par les arrêtés sont d’environ 50 Mm3 sur le sous-bassin Charente amont et ses affluents, et de 90 Mm3 pour le Marais Poitevin (bassines comprises), soit le double de ce qui était réellement prélevé auparavant.

[2] Recours contre l’AUP COGEST’EAU introduit par la LPO, NE17, Charente Nature, et les Fédérations des Associations Agrées de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique (FDAAPPMA) de la Charente et de la Charente Maritime ; Recours contre l’AUP EPMP introduit par Nature Environnement 17.

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