DES ASSOCIATIONS QUI TRAVAILLENT ENSEMBLE

Nature Environnement 17, R.E.S.P.I.R.E, Ré-Nature Environnement et MAT-Ré ont décidé, en 2016, de joindre leurs efforts en matière de protection de l’environnement afin de mieux agir contre les atteintes à la qualité de l’air, des eaux souterraines, littorales et marines sur l’agglomération rochelaise et sud-Ré, ainsi que sur les deux pertuis charentais. La préoccupation majeure concerne plus particulièrement l’ensemble du site agro-industrialo-portuaire qui concentre sur un espace confiné un Grand Port Maritime avec un trafic approchant les 10 millions de tonnes et des installations classées pour l’environnement dont 5 sites SEVESO III seuil haut et présentant non seulement des risques avérés d’accidents industriels majeurs, mais aussi de pollutions dues à leurs rejets dans l’air et dans les eaux portuaires et marines.

 

Depuis 2016 notre regroupement d’associations n’a cessé d’alerter le public, mais aussi tous les acteurs de l’activité industrielle et portuaire, ainsi que les services de l’État avec qui nous avons de fréquents contacts – sur le cumul de tous ces risques et de son impact global sur les milieux aussi bien que les populations. Nous avons utilisé divers moyens : conférences et communiqués de presse, concertations directes ayant permis certaines avancées, notamment celle, non négligeable, de pouvoir discuter maintenant en amont, des projets menés par les acteurs de la place rochelaise, plutôt que d’être informé « a posteriori » sans pouvoir agir, afin de mieux faire prendre en compte les facteurs environnementaux ou la protection des populations.

 

De futurs dragages et déroctages inquiétants

Depuis 2017, nous sommes plus particulièrement préoccupés par les projets d’aménagement du Grand Port Maritime, notamment le projet « Port 2025 » qui a fait l’objet d’un soi-disant débat public cette année et qui, ainsi que nous l’avons déclaré aux organisateurs, a laissé bien peu de place à un  réel  débat « avec » le public.

C’est surtout la quatrième tranche de ce projet 2025 concernant « l’aménagement des accès nautiques » qui est préoccupant dans la mesure ou les implications ne sont pas sans effets sur le milieu ambiant de l’ensemble des pertuis charentais.

Afin de faciliter l’accès au Port Atlantique de navires jaugeant jusqu’à 120 000 tonnes et 14 mètres de tirant d’eau, il va falloir draguer 550 000 m3 de vases, dont certaines très anciennes et dérocter 700 000m3 de substrat marno-calcaire pour permettre  de tels tirants d’eau. A cela, il faut le savoir, vont s’ajouter les 200 000m3 de vases draguées pour la maintenance annuelle, autorisés par arrêté préfectoral sur 10 ans.

Le Port prévoit de rejeter au Lavardin et à Antioche les sédiments jugés immergeables et acheminer par camions les sédiments pollués de plusieurs sites et bassins du Port jusqu’au Centre de Traitement à Terre de La Repentie actuellement en construction et qui devrait être opérationnel en 2019.

 

La fragilité des Pertuis confrontée au développement portuaire

Pour nous, ce projet ne tient pas assez compte de la fragilité des milieux ambiants  des Pertuis où les courants sont de faible vitesse et décrivent un mouvement circulaire.  Ces courants en boucle ne permettent pas d’évacuer les particules fines vers la mer, mais les concentrent vers les zones les plus calmes où elles se déposent, en particulier vers les baies qui sont des zones de très forte production de nourriture dont profitent de nombreux animaux filtreurs tels que huitres et moules, coquilles St Jacques et pétoncles.

Les vases draguées puis clapées en mer provoquent ainsi la destruction des sources de nutriments des coquillages marins et par voie de conséquence la mise en danger des activités conchylicoles, comme ce fut le cas en 2014 dans la baie de l’Aiguillon. Pour avoir une vision plus générale de l’impact des dragages et des clapages en mer*, il convient de savoir qu’aux 700 000m3 du projet portuaire vont s’ajouter les rejets de dragages du Département, du Port de Plaisance ainsi que des sédiments issus des curages des bassins d’orage de la CDA de La Rochelle.

Illustration de ces remarques : 979 000m3 , c’est le total des rejets en mer effectués par ces 3 acteurs pour l’année 2017. Le projet du Port qui avoisine 1 000 000 de m³ de vases et particules fines va donc faire considérablement augmenter ce volume.

Un facteur aggravant est constitué par les effets cumulés de la pollution particulaire ainsi créée, et de la pollution chronique des eaux littorales et marines due aux rejets des ICPE* et autres industries du secteur portuaire et de ses environs immédiats. A titre d’exemple, la société RHODIA Opérations appartenant au groupe SOLVAY, pour ce qui la concerne, est autorisée par la DREAL* à rejeter 1000T/ an d’azote dans les eaux portuaires, elle n’en rejette pourtant que 850 T, mais aussi du phosphore, du mercure, du zinc et autres métaux lourds par le biais de son nouvel émissaire en mer.

Plus grave est le fait que RHODIA (ex Rhone-Poullenc) a rejeté dans les eaux de la baie de La Rochelle entre 1947 et 1994 du thorium et de l’uranium issus du traitement de la monazite un minéral naturellement radioactif et partie intégrante de son process. Des analyses effectuées par le laboratoire du CEA suite à des prélèvements dans les vases de l’ensemble de la baie de La Rochelle en 2005, ont révélé des teneurs en thorium entre 70 et 130 fois supérieures aux valeurs naturelles moyennes des sédiments marins littoraux.  Cependant, questionné par nos associations à ce sujet, le Port nous a répondu que les carottages  effectués dans la baie « n’avaient pas révélé de présence de radionucléides dans le périmètre d’étude » du projet Port 2025. Des émissions radioactives disparaissant au bout de 13 ans, ce serait nouveau car le thorium perd le moitié de sa radioactivité en 1,4 milliards d’années !!

 

Le Centre de Traitement des Sédiments à Terre : initiative louable ou défi à risques

Par ailleurs, nous nous demandons si le Centre de Traitement à Terre des sédiments non immergeables, car pollués aux hydrocarbures ou aux métaux lourds sera en mesure de traiter efficacement les  volumes prévus ? Il est en principe sensé traiter 30 000m3 par an de sédiments pollués par égouttage et sédimentation dans des lagunes aménagées à cet effet.

Si l’on tient compte du fait que toutes les particules inférieures à 63µm contenues dans lesdits sédiments et en constituant une grande partie, seront évacuées avec les eaux de rejet dans le milieu naturel- on peut en douter. Dès lors, comment le Port pourra-t-il respecter la limite de 35mg/l de MES (matières en suspension) contenues dans les rejets en fin de traitement, limite  imposée par les services de l’État, et éviter une aggravation du phénomène de turbidité au sein des pertuis? Gageure bien difficile à relever.

Suite à plusieurs de nos entretiens avec les représentants du Grand Port, nos associations ont obtenu la prise en compte de 5 mesures visant à minorer les risques d’accroissement de la turbidité des eaux marines suite aux dragages, comme la mise en place d’un 4è point de mesure sous le pont de Ré et situé à moins de 50m de la ligne de basse mer, ou encore, l’organisation de visites régulières du site de traitement par nos associations pendant les travaux et au cours de son exploitation et la communication des résultats d’analyse de turbidité qui se dérouleront selon une fréquence hebdomadaire.

 

Suivi des opérations de dragages

D’autre part, nos associations qui ont intégré, sur leur demande, le comité de pilotage du nouveau Comité Départemental d’Information et de Suivi des Opérations de Dragages – ont tenu à rappeler aux membres de cette instance leurs attentes, insistant particulièrement sur la prise en compte des caractéristiques particulières du milieu et de la courantologie des Pertuis charentais d’une part, et des effets cumulés suscités, dans la mise place du schéma de gestion des sédiments de dragages.

Nos associations seront particulièrement vigilantes sur ce point et ne manqueront pas de faire part de leurs propositions en demandant qu’elles soient prises en compte par le Comité Technique (DDTM – Agences de l’Eau – Département – DREAL – PNM – GPMLR) en charge de la gestion des projets de dragages.

Nos 4 associations n’ignorent, ni ne rejettent d’emblée les considérations économiques, mais en aucun cas ces considérations ne peuvent prévaloir sur le respect de l’intérêt général, la protection et la survie de milieux patrimoniaux constituant des biens communs qui sont à la base d’importantes activités économiques et qui font la réputation du littoral charentais et dont nous devons assurer la sauvegarde tout en veillant à la sécurité et à la qualité de vie des populations qui leur sont attachées.

 

*clapages : rejets en mer des boues et sédiments dragués.

*ICPE : Installations classées pour l’environnement et soumises à autorisation, déclaration ou enregistrement selon le degré de danger déterminé.

*DREAL : Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du  Logement.