Réserve (R2) – Photographie du 25.09.20
Depuis plus de 15 ans, l’association syndicale autorisée d’irrigation (ASAI) des Roches tente d’exploiter cinq retenues de substitution sur les communes en Charente-Maritime de LA LAIGNE, CRAMCHABAN et LA-GREVE-SUR-LE-MIGNON, d’une capacité totale de stockage de 1 578 400 m3 d’eau dans le but d’irriguer des cultures céréalières.
Une première autorisation de remplissage et d’exploitation a été annulée le 31 décembre 2009 (Tribunal administratif de Poitiers) puis en appel le 15 novembre 2010 (Cour administrative d’appel de Bordeaux).
Malgré ces contentieux en cours, l’ASAI a fait le choix de construire les réserves.
Une seconde autorisation de remplissage et d’exploitation de ces mêmes réserves a été accordée par la Préfecture en avril 2015. Nature Environnement 17 a contesté l’autorisation devant le Tribunal administratif de Poitiers qui l’a à nouveau annulée le 7 juin 2018. Un appel à été formé par l’ASAI devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a confirmé l’annulation de l’autorisation le 17 mai 2022.
Malgré la possibilité laissée à l’ASAI des Roches de corriger les erreurs de son projet par le biais d’un complément d’étude d’impact, la juridiction d’appel a relevé de multiples irrégularités persistantes : ouvrages surdimensionnés, étude d’impact toujours insuffisante, prélèvements dans la nappe phréatique sans surveillance et sans indicateur pertinent, assèchement d’un cours d’eau ou encore non-respect du Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau.
Malgré l’arrêt d’appel particulièrement défavorable, les irrigants ont décidé de se pourvoir devant le Conseil d’Etat. Le 3 février 2023, la Haute juridiction administrative n’a pas admis le pourvoi de l’ASAI en précisant qu’ « aucun [des] moyens n’est de nature à permettre l’admission du pourvoi ».
Le Conseil d’Etat a ainsi mis fin à cette saga de recours n°2.
Nature Environnement 17 se réjouit de cette décision qui privilégie les milieux et la biodiversité aux intérêts de l’agriculture intensive. Les incohérences et les atteintes à l’environnement étaient nombreuses. Il est louable que les différentes juridictions les aies relevées.
Au regard de l’ensemble de ces décisions administratives, il est souhaitable que l’autorité préfectorale cesse d’autoriser des projets de stockage de l’eau mal ficelés et encadrés par des prescriptions environnementales insuffisantes.
De plus en plus de voix s’élèvent, à raison, contre les projets de mégabassines : scientifiques, hydrologues, géologues, associations de protection de l’environnement, société civile …
Prélever de telles quantités d’eau pour irriguer des cultures céréalières, maïs notamment, au profit de quelques exploitants, douze en l’espèce, est anachronique.
L’argument selon lequel ces projets permettent de stocker l’eau abondante en hiver pour la réutiliser l’été n’est plus recevable. D’une part, les dimensionnements des réserves sont si importants qu’ils aboutissent de fait à consommer davantage d’eau que ce qui est utilisé actuellement. Concernant l’ASAI des Roches, ce point a d’ailleurs été relevé par la Cour administrative d’appel le 17 mai 2022.
D’autre part, et la sécheresse de 2022 l’a illustré, la ressource en eau ne cesse de diminuer. Même en hiver, elle n’est plus abondante et la quantité d’eau globale ne permet plus de satisfaire tous les usages. Autoriser les stockages pour l’irrigation revient à privatiser une part très importante de la ressource pour des pratiques écologiquement contestables et au détriment des autres usagers (eau potable, majorité de la profession agricole, particuliers, industries …) qui subiront de plein fouet la raréfaction de la ressource, notamment l’été.
Dans ce contexte, il est indispensable de penser une nouvelle gestion quantitative et qualitative de la ressource en eau qui concilierait les usages, accompagnerait l’activité agricole vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement et laisserait un peu de répit aux milieux naturels surexploités. Face à ce constat, le niveau d’exigences pour les projets de stockage doit être élevé. Nature Environnement 17 y veillera.
Enfin, et alors qu’elle a déjà été sanctionnée pour exploitation illégale des réserves de substitution pendant quatre ans, il semblerait que l’ASAI des Roches utilise encore les ouvrages malgré les décisions de justice. Pour ces faits, Nature Environnement 17 déposera plainte.
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